, grand nom de la hi-fi en France et créateur de Davis Acoustique nous a quitté cet été.
Nous nous sommes joints à Antoine Gresland pour lui rendre hommage dans cet article-portrait:
Loin
des trompettes de la renommée qui accompagnent parfois la disparition
des grands créateurs, Michel Visan, concepteur de hautparleurs et
fondateur de la marque français
Davis Acoustics vient de nous
quitter le 20 juin à l’âge de 74 ans. Cet homme cultivé et discret, peu
connu du grand public, mérite pourtant la reconnaissance des amateurs de
hautefidélité. Passionné de reproduction sonore, cet ingénieur de
grand talent avait commencé sa carrière chez Vega en 1960, avant de
passer un an chez Audax, puis de devenir le directeur technique de la
marque française Siare pendant près de 22 ans.
En 1986, il
se lance dans sa propre aventure en créant Davis Acoustics. Un
constructeur d’enceintes français aujourd’hui réputé dans le monde
entier, aussi bien pour ses propres transducteurs que pour les
hautparleurs qu’il a aidé à mettre au monde pour les autres. Car Michel
Visan n’était pas seulement l’esprit de sa propre chapelle. Ses
compétences et son savoirfaire, nourris
par des années d’études
étayées d’un solide bon sens, accompagnèrent ainsi la naissance de
nombreux hautparleurs spécifiquement mis au point sur cahier des
charges avec quelquesuns des constructeurs et des artisans les plus
huppés de la planète audiophile. Avec une rectitude et une honnêteté
sans faille, Michel Visan sut ainsi mettre son expérience unique au
service de ses propres créations, dont certaines marqueront durablement
le monde de la reproduction sonore, sans trahir les secrets de
fabrication des constructeurs qui lui faisaient confiance. Nos pensées
vont aujourd’hui à son épouse mais aussi à ses deux fils, David et
Olivier, qui ont solidement pris en main le destin de Davis Acoustics,
pour que la marque qu’il avait créée continue à ravir nos oreilles
pendant de longues années.
En mai 2012, Olivier
Visan nous avait présenté avec fierté la dernière création de son père,
le large bande de 20 cm DE8, au salon High End de Munich (lire
l'article). Un haut parleur exceptionnel ayant nécessité plus de 1 000
heures d’études, dont la carrière ne fait que commencer. Sur ce même
salon, on pouvait aussi écouter les enceintes à pavillon Avantgarde
Acoustic, dont les moteurs ont été conçus et réalisés chez Davis.
Témoignage
: JeanJacques Bacquet, créateur des enceintes Klinger Favre Audio,
nous parle de sa longue collaboration avec Michel Visan
"Michel
Visan m'a accompagné tout au long de ma vie professionnelle, puisque
les premières enceintes Klinger Favre de 1975 utilisaient déjà le M17 de
Siare, qui était la réponse française au fabuleux large bande JBL LE8T,
mais aussi les hautparleurs Vega 340 ACTBL de 358 mm dans le grave.
Plus tard, j’utilisais encore le tweeter TWZ, le médium 19 TSP et le
boomer 31 TE de Siare avec le même bonheur dans la conception de mes
nouveaux modèles. "
JeanJacques Bacquet et Michel Visan
(ci-dessus) lors d'une visite chez Davis avec Françis Ibre, auteur du
livre Bien entendu paru chez Elektor
En 1986, après une
demande de documentation sur les HP Davis, j’eus la surprise de voir
débarquer le légendaire Michel Visan en personne dans mon atelier de
SaintDié. Michel avait apporté avec lui un hautparleur de 20 cm à
membrane carbone : le toujours actuel 20 MC8A. Il me proposa de
l’installer dans mon enceinte à la place du 20 cm Audax à membrane
papier que j’utilisais alors. Comme je protestais à cette idée, persuadé
qu’un hautparleur ne pouvait donner sa pleine
mesure que dans
une caisse calculée spécialement pour lui, avec l’accord et le filtre
adéquat, sa réponse fut : « Écoutez le quand même, c’est le même
diamètre, vous n’aurez pas à refaire le trou ! » Ce fut le choc : la
membrane carbone me fit entendre un son débarrassé de toutes colorations
dues au papier , avec une grande linéarité, une multitude de petits
détails, une dynamique inhabituelle... J'avais en face de moi un
chefd'œuvre d'un maître des hautparleurs qui m'ouvrait de nouveaux
horizons !
Michel était très souple et acceptait de fabriquer des
prototypes. Cela permit à Klinger Favre de décoller vraiment, car je
pus remettre en question toutes les certitudes acoustiques accumulées
depuis 15 ans en expérimentant les circuits magnétiques, les membranes,
les bobines mobiles, les châssis. Comme j’avançais dans mes recherches,
j’effectuais de nombreux voyages à SaintMaur (93) au siège de Davis
pour peaufiner chaque transducteur et obtenir les résultats escomptés.
J’y croisais régulièrement la fine fleur des constructeurs d’enceintes
français et étrangers qui avaient compris que c’était là que cela se
passait ! Malgré le modeste chiffre d’affaires que je faisais avec
Davis, j'ai bénéficié d'une grande indulgence et d'une bienveillance
amicale.
Michel me demanda d'assurer l'amplification de ses
enceintes lors d'expositions parisiennes et au salon High End de Munich
2009. Il faut imaginer le cadeau que cela représentait pour une petite
entreprise comme Klinger Favre, alors que toute l'industrie de la hifi
aurait été flattée de figurer sur leur stand ! Lors du 20e anniversaire
de Davis, Michel m'invita pour que je puisse rencontrer les journalistes
Jean Hiraga et Patrick Vercher. Dans une de ses interviews, Michel
poussa même la complicité jusqu’à dire qu'il avait la chance de fournir
quelquesuns des meilleurs constructeurs du monde : Goldmund, Kinoshita
et... Klinger Favre.
À côté des hautparleurs qu'il fabriquait
pour mes enceintes sur cahier de charges, j'ai pu aussi croiser au
hasard de son laboratoire la genèse de quelquesuns des hautparleurs
les plus accomplis de l'histoire de l'électroacoustique : le tweeter à
bobine de 19 de la Karla, le 25 cm 1103 qui remplace en le surclassant
le TAD 1102 et le récent large bande de 20 cm DE8T qui permet, enfin, au
JBL LE8T de prendre sa retraite. J'ai aussi entreaperçu les moteurs
des pavillons Avantgarde qui valent à cette marque allemande une toute
nouvelle notoriété.
En plus d'être un homme jovial, amical et
génial, Michel était un puits de science et j'ai pu faire appel à lui
lors de la rédaction du dictionnaire encyclopédique du son, paru chez
Dunod. Avec lui c'est donc vraiment une bibliothèque qui disparaît. Le
cinéaste Alain le Kim m'a consacré un film qu'il a intitulé The Speaker
Wizard : "Le sorcier de l’enceinte", mais c'est bien Michel Visan qui
méritait ce surnom. Ce témoignage présente Michel de mon point de vue,
mais je sais que je ne suis pas le seul à avoir profité de son immense
savoir et de ses produits exceptionnels. Tout le métier y a gagné,
Michel ayant tiré vers le haut comme personne l’art de la reproduction
sonore.
Merci Michel, on ne t’oubliera jamais.
